Les gouvernements canadiens devraient procéder à un examen national des soins de longue durée

23 septembre 2020
Ce qui a mal tourné dans les établissements de soins de longue durée

À l’heure actuelle, nous ne connaissons que trop bien les effets dévastateurs de la COVID-19 sur les bénéficiaires de soins de longue durée. Au moment de la rédaction du présent texte, plus de 100 000 Canadiens ont été infectés et 8 700 ont perdu la vie, les décès dans les établissements de soins de longue durée représentant un peu plus de 80 % du total des décès attribuables à la COVID-19 au Canada.

Bien que ces chiffres soient alarmants, les taux d’infection et de mortalité ne montrent pas vraiment les conditions inacceptables dans plusieurs établissements de soins de longue durée, ainsi que l’approche plutôt apathique en matière de soins aux aînés qui règne au Canada. Certes, elles étaient présentes avant et pendant la pandémie, et si nous n’apportons aucun changement, elles le seront encore lorsque la COVID-19 sera chose du passé.
 

Ce qui a mal tourné dans les établissements de soins de longue durée

Les problèmes dans les établissements de soins de longue durée sont bien connus et ne datent pas d’hier. Le sous-financement chronique; l’infrastructure désuète; l’insuffisance des effectifs, qui sont mal rémunérés, ont de maigres avantages sociaux et dont une majorité des postes sont à temps partiel; ainsi qu’un système composé d’une courtepointe de prestataires, publics ou privés à but lucratif ou non lucratif, ne sont que quelques-unes des préoccupations les plus souvent exprimées.

Ajoutons à cela une nouvelle souche de coronavirus; des gouvernements et des experts de la santé pris au dépourvu et concentrés à consolider les hôpitaux en prévision de l’afflux de patients à traiter; et, dans bien des cas, des gouvernements et des prestataires de soins de longue durée dont la réaction a été lente pour mettre en oeuvre des protocoles de sécurité et pour trouver des équipements de protection individuelle : il en résulte les conséquences tragiques survenues dans plusieurs établissements de soins de longue durée.

Plusieurs autres facteurs ont probablement contribué à la situation dans les établissements de soins de longue durée durant la pandémie. Il y a aussi des gouvernements et des établissements qui ont réussi à limiter l’impact du virus et qui restent relativement peu touchés, au Canada et partout dans le monde. Il sera essentiel d’examiner ce qui s’est bien passé, ainsi que ce qui a mal tourné, et de tirer parti de ces constatations pour protéger les résidents de ces établissements à l’avenir.
 

L’incidence de la COVID-19 sur les soins à domicile et en milieu communautaire ainsi que sur les aidants naturels

Bien que les soins de longue durée aient été au centre de l’attention, les soins à domicile et en milieu communautaire ont aussi été affectés par le virus. Plusieurs prestataires ont réduit leurs services « non essentiels » pour limiter la propagation du virus. Un sondage effectué auprès des trois plus importants prestataires de ces services au Canada a révélé que dans les semaines qui ont suivi le confinement, les soins infirmiers à domicile ont baissé de 22 %; l’offre de préposés aux bénéficiaires a diminué de 31 %; et les traitements à domicile, comme la physiothérapie et l’ergothérapie, ont chuté de 65 %.

De plus, les soins de relève et les autres services pour les aidants naturels ont aussi diminué à cause du virus. Alors que plusieurs aidants naturels subissaient un stress plus important et devaient réaliser davantage de tâches, le soutien pour ces personnes était presque inexistant.

Dorénavant, une disponibilité accrue des services de soins à domicile et en milieu communautaire ainsi qu’une amélioration du soutien et des services directs pour les aidants naturels feront en sorte d’assurer une hausse des soins prodigués à domicile, là où la propagation des infections et des virus est réduite.
 

Les répercussions de la COVID-19 et les soins aux aînés

Dans les mois et les années à venir, les conditions dans les établissements de soins de longue durée durant la pandémie feront l’objet d’enquêtes, d’études et, espérons-le, d’un redressement. Plusieurs gouvernements et organismes publics ont déjà annoncé leur intention de procéder à des examens.

Même si ces examens sont nécessaires, et que leurs conclusions soient importantes, les soins de longue durée ne sont qu’un seul aspect des soins aux aînés. Dans l’optique d’une réforme, il est essentiel d’aborder l’amélioration des soins à domicile et en milieu communautaire ainsi que du soutien aux aidants naturels.
 

Une transition vers davantage de soins à domicile et en milieu communautaire

Si le Canada ne retient qu’une seule chose de cette pandémie, cela devrait être que nous recourons trop aux soins en établissement pour répondre aux besoins des aînés, tout en ignorant les faits provenant de nos homologues internationaux ainsi que les souhaits de ceux qui requièrent ces soins. Nous devrions plutôt élargir les services de soins à domicile et en milieu communautaire, dont le coût est moindre, qui correspondent au désir des aînés de vieillir chez eux et dans leurs collectivités et qui permettent d’améliorer l’état de santé et la qualité de vie.

Cela requiert une transition à l’échelle nationale d’un recours aux soins en établissement à une prestation de soins à domicile et en milieu communautaire. Cela implique également la mise en oeuvre de normes nationales pour les soins de longue durée, les soins à domicile et les autres soins aux aînés, afin de garantir un niveau de base en matière de soins de qualité partout au pays.
 

Normes nationales pour les soins aux aînés

Cette transition doit venir d’en haut. Le gouvernement, probablement le gouvernement fédéral, devra édicter des lois appuyant cette nouvelle orientation.

La raison en est que la Loi canadienne sur la santé, qui définit le cadre des soins de santé publics au Canada, établit surtout les critères, les conditions et le financement des hôpitaux et des médecins, sans doute parce que ses rédacteurs ont calqué plusieurs de ses formulations sur celles de la Loi sur les soins médicaux de 1966. En 1966, le Canada avait une population jeune, et les aînés de 75 ans et plus ne représentaient que trois pour cent de celle-ci. Par conséquent, les services de santé leur étant destinés, tels que les soins de longue durée et à domicile, n’étaient pas à l’ordre du jour.

Aujourd’hui, la population du Canada est vieillissante et les aînés de 75 ans et plus représentent 7,4 % de la population, un segment démographique qui connaît une augmentation rapide. Par exemple, 27,6 % des membres de l’Association sont âgés de 75 ans et plus. Les gens vivent plus longtemps et contractent des maladies chroniques et dégénératives, comme la démence. Les soins pour ces personnes ne sont pas prodigués par des médecins et des hôpitaux, mais bien par des préposés aux bénéficiaires, du personnel infirmier, des aidants naturels, des prestataires de soins de longue durée et de soins à domicile et en milieu communautaire. Le cadre des soins de santé au Canada doit s’adapter à notre démographie et à nos besoins évolutifs.

Les avantages de normes nationales pour les soins aux aînés sont évidents quand on observe l’expérience mondiale de la pandémie. Un rapport publié en mai 2020 par l’Institut canadien d’information sur la santé a comparé l’expérience de la COVID-19 au Canada à celle de 16 autres pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et a révélé que bien qu’aucune réelle différence par rapport aux bilans n’ait été observée dans divers modèles de financement (public, privé ou mixte), les pays où la réglementation et l’organisation des soins de longue durée sont centralisées, comme l’Australie, l’Autriche, la Hongrie et la Slovénie, ont eu un nombre généralement moins élevé de cas de COVID-19 et de décès reliés à la maladie.

Le Canada a l’un des taux les plus élevés de soins en établissement et l’un des plus faibles de soins à domicile parmi les pays développés. Cela a probablement contribué à la proportion élevée de décès attribuables à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée. Cela souligne également le décalage de l’approche du Canada par rapport à celle de ses homologues internationaux, dont plusieurs ont déjà davantage recours aux soins à domicile et en milieu communautaire.

Au Danemark, un suivi régulier des besoins d’un aîné débute à l’âge de 75 ans. Des services de soins à domiciles jumelés à des visites à domicile régulières par des professionnels de la santé permettent aux personnes âgées de demeurer à la maison et de faire partie de leur collectivité aussi longtemps que possible, tout en vivant de façon autonome et en recevant le soutien nécessaire pour certaines activités. Le Danemark a des établissements de soins de longue durée, mais ils ressemblent davantage à la vie dans une maison en colocation qu’à une installation médicale. Cette approche a engendré une population d’aînés plus heureuse, active et impliquée et le Danemark est ainsi reconnu comme étant l’un des meilleurs pays où vieillir.

Dans l’optique d’une réforme des soins aux aînés, nous ne pouvons omettre les aidants naturels, qui prodiguent environ 80 % des soins en milieu communautaire et 30 % des soins en établissement. Nous devons mieux reconnaître l’apport de ces individus et leur fournir le soutien nécessaire (financier, psychologique et émotionnel) afin qu’ils soient mieux outillés pour effectuer leurs tâches d’aidants naturels et remplir leur rôle crucial de partenaires dans les soins.

C’est pour toutes ces raisons que la mise en oeuvre d’une stratégie nationale pour les aînés, l’une des principales priorités de Retraités fédéraux en matière de défense des intérêts, est si essentielle. Cette stratégie devrait permettre une approche plus globale et mieux coordonnée par rapport aux soins aux aînés et contribuer à résoudre plusieurs problèmes qui affligent actuellement notre système.

Dans le cadre de cette stratégie, Retraités fédéraux demande à tous les ordres de gouvernement de collaborer à un examen national des soins de longue durée et à la mise en oeuvre de normes nationales pour les soins de longue durée, à domicile et en milieu communautaire. Pour en savoir plus sur notre position, veuillez consulter la page retraitesfederaux.ca/sld. Joignez-vous à notre réseau Rayonnement 338 et appuyez nos campagnes pour une stratégie nationale pour les aînés et une approche plus globale et mieux coordonnée des soins aux aînés. Veuillez consulter la page retraitesfederaux.ca/ joindrerayonnement338 ou écrire à defensedesinterets@retraitesfederaux.ca.

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'automne 2020 du magazine Sage, dans notre rubrique « Bilan santé », qui porte sur des questions de santé et des politiques de santé d’actualité, sous l’optique des enjeux qui touchent les aînés canadiens. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?