L’Alberta veut quitter le RPC

15 décembre 2023
Danielle Smith.
La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a publié un rapport qui défend le retrait de l’Alberta du Régime de pensions du Canada et la mise en place de son propre régime de pensions. Photo : Chris Schwartz
 

En septembre, le gouvernement de l’Alberta a présenté le rapport qu’il avait commandé sur la possibilité de quitter le Régime de pensions du Canada (RPC) pour créer un nouveau Régime de pensions de l’Alberta (RPA). Le RPC est l’un des régimes de retraite les plus importants au monde, avec des actifs durables pour plusieurs générations. Pierre angulaire de la retraite des Canadiens, il permet à 21 millions de participants d’obtenir une source de revenu de retraite transférable et sûre. 

Les partisans du régime de l’Alberta ont fait plusieurs déclarations au cours des derniers mois. Nous vérifions l’exactitude de quelques-unes ci-dessous. 

1. « La portion des actifs de l’OIRPC revenant à l’Alberta s’élève à 334 milliards de dollars. » 

Les actifs actuels de l’Office d’investissement du RPC (OIRPC) s’élèvent à 575 milliards de dollars. Le rapport prétend que l’Alberta a droit à 53 % d’entre eux. Comment une seule province, qui représente 16 % du total des cotisations, peut-elle réclamer plus de la moitié des actifs du régime? En termes simples, elle ne le peut pas. 

Le rapport a calculé cette somme en formulant une « interprétation alternative » des dispositions relatives au retrait dans la législation fédérale. Si la même interprétation était utilisée pour chaque province, le régime serait à court d’argent avant que l’Alberta et l’Ontario n’obtiennent les fonds. 

2. « Les travailleurs de l’Alberta cotisent davantage au RPC que ce qui est dépensé pour les retraités de l’Alberta. » 

Les Canadiens bénéficient de cotisations égales et de prestations transférables dans tout le pays. L’Alberta compte actuellement moins de retraités et ses travailleurs ont des salaires plus élevés qu’ailleurs au Canada, mais les jeunes travailleurs d’aujourd’hui prendront leur retraite et bénéficieront des versements plus élevés du RPC que leurs revenus plus élevés leur ont permis d’obtenir. De plus, l’écart entre le nombre de travailleurs et de retraités en Alberta s’explique par la migration. De nombreux travailleurs gagnent de l’argent en Alberta, puis prennent leur retraite dans leur province d’origine. 

3. « Si le Québec peut le faire, pourquoi pas l’Alberta? » 

Le Québec n’a pas quitté le RPC, il n’y a jamais adhéré. 

Lors de la création du RPC en 1966, les provinces pouvaient choisir de créer leur propre régime ou d’adhérer au RPC. Le Québec a créé le Régime des rentes du Québec (RRQ). L’Alberta serait la première province à quitter le RPC. 

4. « Un RPA coûterait moins cher et serait tout aussi sûr. »

Le rapport suggère que les Albertains verseraient des cotisations moins élevées à un RPA, mais les taux de cotisation du rapport sont basés sur la portion (53 %) que l’Alberta veut retirer des actifs de l’OIRPC. Si elle recevait un montant plus réaliste, les taux de cotisation pourraient en fait être plus élevés. 

De fait, un régime provincial présente des risques associés aux investissements et à la démographie plus élevés qu’un régime national. Lorsque le Québec a opté pour son propre régime, sa population était plus jeune, de sorte que le RPC et le RRQ avaient le même taux de cotisation. 

Toutefois, sa population a vieilli plus rapidement et, depuis 2011, le taux de cotisation minimal du RRQ est supérieur de 0,9 % à celui du RPC. 

Les fluctuations de la population et la démographie de l’Alberta sont liées à l’industrie pétrolière et gazière et à la migration des travailleurs de tout le Canada. 

En cas de ralentissement de ce secteur, la province pourrait être amenée à augmenter les taux de cotisation. 

5. « Quitter le RPC sera un processus facile. » 

C’est faux. Même le rapport indique qu’il s’agirait d’une « entreprise extrêmement ambitieuse et complexe ». 

L’Alberta aurait tout à fait le droit de quitter le RPC. En vertu de la loi sur le RPC, elle doit donner un préavis de trois ans et proposer un régime offrant des prestations comparables. Mais, toujours en vertu de la législation, c’est au gouvernement fédéral qu’il revient de déterminer ce qu’est une « prestation comparable » et le montant auquel la province aurait droit. 

L’OIRPC n’est pas un grand compte en banque dans lequel des fonds sont déposés. Il s’agit d’un énorme portefeuille d’actifs divers, dont beaucoup sont investis à long terme, notamment dans des infrastructures comme les autoroutes et les services publics. 

Il faudrait plusieurs années et potentiellement des milliards de dollars en frais de justice et en pertes financières pour que l’OIRPC rembourse une province quittant le RPC. Avec, comme autre conséquence, que cela mettrait en péril la sécurité de la retraite de tous les Canadiens.

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'hiver 2023 du magazine Sage, dans notre rubrique « Infopensions », qui répond aux questions les plus courantes de nos membres au sujet de leur pension. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?