Voter pendant la COVID

22 décembre 2020
John Horgan, Premier ministre de la Colombie-Britannique.
Le Nouveau-Brunswick, la Colombie Britannique et la Saskatchewan ont tous tenu des élections provinciales cet automne. Voici comment ces provinces ont protégé leurs électeurs et leurs démocraties.
 

Une élection éclair, la plus courte possible, durant une pandémie.

La recette parfaite pour une catastrophe, semble-t-il. Et pourtant, quelques semaines après leur conclusion, la directrice générale des élections du Nouveau-Brunswick, Kim Poffenroth, indique que les premières élections au pays tenues durant la COVID se sont bien déroulées.

« La participation électorale a été bonne et nous n’avons eu aucun cas de COVID résultant du vote, j’estime donc que c’est le mieux que l’on peut espérer dans les circonstances », mentionne Mme Poffenroth.

Le déclenchement des élections par le premier ministre Blaine Higgs à la fin du mois d’août semblait être une décision impulsive pour tirer profit de ses résultats quant à la protection de la province contre les ravages de la COVID-19 et ainsi faire passer son gouvernement de minoritaire à majoritaire. Cependant, comme son gouvernement était minoritaire, Élections Nouveau-Brunswick n’a bien sûr pas été pris au dépourvu lorsque les élections du 14 septembre ont été déclenchées. De plus, l’équipe électorale savait déjà qu’elle devrait tenir au moins deux élections partielles provinciales au cours de l’automne 2020, alors que la deuxième vague frapperait sans doute. Les élections municipales, dont le bureau électoral provincial a également la responsabilité, ont été reportées de mai 2020 à mai 2021, au plus tard.

« L’ensemble de l’équipe a donc commencé à réfléchir [à l’époque] à propos de ce que nous devrions faire différemment; des mesures que nous devrions mettre en place », explique Mme Poffenroth. « Lors du déclenchement des élections, nous ne nous préoccupions pas tellement de savoir si nous étions prêts à tenir des élections durant une pandémie, mais plutôt de déterminer si nous pouvions le faire dans le délai dont nous disposions. Nous avions une période électorale de 28 jours, ce qui est le plus court délai autorisé par la législation du Nouveau-Brunswick. »

Dans son objectif d’assurer la sécurité des Néo-Brunswickois pendant la pandémie, Élections Nouveau-Brunswick disposait de quelques stratégies : il a encouragé le vote par correspondance, un service qui a connu un regain de popularité extraordinaire; il a mis en place l’ensemble des mesures de protection contre la COVID-19 dans les bureaux de vote par anticipation ainsi que le jour des élections; il a mis en place des bureaux de vote temporaires dans des établissements de soins de longue durée et des services hospitaliers et a offert quotidiennement la possibilité de voter dans les bureaux des directeurs de scrutin pendant la période électorale.

Mme Poffenroth était en contact avec ses homologues en Colombie-Britannique et en Saskatchewan avant, pendant et après les élections au Nouveau-Brunswick, puisque ces deux provinces se préparaient elles-mêmes en vue de leurs propres élections, qui devaient se tenir les 24 et 26 octobre, respectivement.

Anton Boegman, directeur général des élections pour la Colombie-Britannique, a affirmé qu’avant les élections de sa province, son équipe s’est consacrée à « créer des plans de sécurité pour le vote en personne et offrir aux électeurs un éventail de possibilités pour voter, tout en maintenant l’intégrité globale du processus ». Son budget a été augmenté de 5,7 millions $ pour mettre en place de nouvelles mesures. Élections Saskatchewan a adopté une approche semblable.
 

Expérience de l’électeur

Agent d’Immigration et citoyenneté à la retraite et électeur de Fredericton, Darrell Mesheau a vécu une expérience positive, autant lors du vote que lors du dépouillement du scrutin pour le parti de son choix.

« Au niveau du bon fonctionnement, nombreux sont ceux qui ont voté par anticipation ou dans les bureaux des directeurs de scrutin; c’est d’ailleurs là que j’ai voté lors des deux ou trois dernières élections », précise M. Mesheau, membre de Retraités fédéraux. « Tout s’est très bien déroulé. Quelqu’un a dit qu’il se sentait davantage en sécurité en allant voter qu’à l’épicerie. »

Dans les banlieues de Saint John, Lorraine Scott, qui est présidente de la Section de la baie de Fundy de Retraités fédéraux, n’a connu aucun problème non plus.

« J’habite dans la vallée de la Kennebecasis et nous n’avons eu qu’un cas de COVID-19, au tout début de la pandémie », souligne Mme Scott, une membre de Retraités fédéraux qui a travaillé pour Service Canada à Saint John. « Nous nous sommes rendus au bureau de vote, en portant un masque. Ils nous ont demandé si nous présentions des symptômes. Il fallait se désinfecter les mains. Tout était indiqué. Le stylo n’était pas désinfecté entre ses utilisations, mais il fallait se désinfecter les mains avant et après. Je n’étais pas inquiète. »

À Saint-Louis-de-Kent, dans le nord du Nouveau-Brunswick, Barry Spencer, qui est membre de Retraités fédéraux, a signalé avoir décidé de voter le jour des élections pour voir comment tout était organisé, ayant été bénévole lors des élections au cours des 25 dernières années. Comme son épouse est atteinte de la maladie de Crohn, son système immunitaire est affaibli, mais elle a pris le risque de se joindre à lui puisqu’il n’y avait pas de cas dans la province à ce moment-là.

« L’organisation, la rapidité et les aménagements étaient bien mieux que dans les dernières années », observe M. Spencer, qui a pris sa retraite de Parcs Canada après une carrière de 37 ans. « Tout était bien pensé. Cela a été une expérience agréable. Nous avions songé à voter par correspondance, mais principalement en raison de mon expérience passée, je voulais voir comme cela se déroulait. »
 

Vote par correspondance

Plus de la moitié des électeurs ayant participé aux élections du N.-B. l’ont fait avant le jour vote et il y a eu une recrudescence du nombre de bulletins de vote par correspondance. Une campagne accompagnée du slogan « Votez tôt, en toute sécurité » semble avoir trouvé des adeptes. Plus de 13 000 trousses de vote par correspondance ont été distribuées et 7 000 d’entre elles ont été livrées en personne à des résidents d’établissements de soins de longue durée.

« Nous avons connu une augmentation considérable des bulletins de vote par correspondance », précise Mme Poffenroth. « Nous avons encouragé les électeurs à profiter de nombreuses possibilités de vote par anticipation pour maintenir la courbe électorale à plat. »

Normalement, les 49 bureaux de directeur de scrutin de la province reçoivent une poignée de votes par correspondance, conçus principalement pour les personnes qui résident temporairement à l’extérieur de la province. Cette fois-ci, chaque circonscription de la province a rapporté en avoir reçu des centaines.

Mme Poffenroth s’est dite particulièrement heureuse d’avoir reçu des votes par correspondance provenant de quelques membres des Forces armées canadiennes qui sont stationnés en Lettonie. Ces votes sont arrivés à la dernière minute, le jour de l’élection.

En Colombie-Britannique, le vote par correspondance est mieux implanté. En tout, Élections BC a reçu 670 000 demandes de trousses de vote par correspondance.

« C’est un nombre très important », rapporte M. Boegman. « Cependant, en Colombie- Britannique, les électeurs connaissent très bien le vote par correspondance. »

Depuis 2002, il y a eu trois référendums provinciaux en C.-B., en 2018, en 2011 et en 2002, ce dernier ayant été tenu uniquement par correspondance.

Les bulletins de vote par correspondance doivent être reçus d’ici 20 h le soir du scrutin et ils sont dépouillés après le jour du scrutin. Tous doivent être comparés aux registres du scrutin pour s’assurer que la personne n’a pas voté deux fois.

« Lors de la dernière élection, nous avions probablement 180 000 bulletins de vote [par correspondance] à dépouiller », estime M. Boegman. « Cette fois-ci, nous en avons eu près de 525 000. Le dépouillement initial [le soir du scrutin] est toujours un dépouillement préliminaire [à cause de cela.] »

Élections Saskatchewan a constaté une hausse considérable de l’intérêt pour le vote par correspondance. Lors des élections générales de 2016, l’organisme avait reçu 5 000 demandes de trousses de vote par correspondance. Cette année, 61 000 trousses ont été postées et 55 000 retournées.

« Cela modifie le dépouillement, car nous ne comptons pas les votes par correspondance avant le lendemain de l’élection », indique Tim Kydd, porte-parole d’Élections Saskatchewan.

N.B Premier Blaine Higgs.

Blaine Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick (Parti progressiste-conservateur).


Protection dans les bureaux de vote

Élections Nouveau-Brunswick a mis en place toutes les mesures de protection possibles dans les bureaux des directeurs de scrutin, les bureaux de vote par anticipation et les bureaux de vote le jour des élections. Tout le personnel des bureaux de vote portait des masques ou des visières et l’on demandait à tous les électeurs d’apporter un masque. Des masques jetables étaient également offerts. Les électeurs étaient accueillis par des gens qui contrôlaient la circulation et distribuaient du désinfectant pour les mains à l’entrée et à la sortie des bureaux de vote. Des marquages au sol les dirigeaient sur le chemin à suivre et où se placer.

« Nous avions quelqu’un d’autre qui désinfectait les surfaces fréquemment touchées et qui nettoyait les marqueurs utilisés pour les bulletins de vote », explique Mme Poffenroth.

Au total, les précautions par rapport à la pandémie ont obligé la province à embaucher 900 personnes de plus pour administrer les élections. « Normalement, nous avons 4 500 employés pour les bureaux de vote et cette année, nous en comptions 900 de plus », ajoute-t-elle. « Il s’agissait donc d’une hausse de 20 % de l’emploi. »

La Colombie-Britannique a mis en place les mêmes protocoles. Les employés des bureaux de vote qui ne se trouvaient pas derrière un plexiglas portaient des masques et des visières et pouvaient obtenir des gants s’ils le désiraient. Il y avait du désinfectant pour les mains à l’entrée et à la sortie des bureaux de vote, et les électeurs étaient autorisés à apporter leurs propres crayon ou stylo pour remplir leur bulletin de vote. Des masques étaient également à la disposition des électeurs qui n’en avaient pas.

La C.-B. a doublé ses effectifs en « agents d’information » pour aider les électeurs tout au long du processus. De plus, les électeurs n’avaient plus à apposer leur signature, comme déclaration de vote, dans un registre du scrutin. Ils ont plutôt fait cette déclaration verbalement.

Pour augmenter la distanciation aux bureaux de vote en 2020, Élections Saskatchewan est passé de 800 à 1 143 emplacements dans la province. La croissance de ces données a également signifié qu’il fallait embaucher davantage de personnel pour les bureaux de vote. De plus, il y avait des crayons à usage unique ainsi qu’une corbeille derrière l’isoloir.
 

Vote par anticipation et vote dans les bureaux des directeurs de scrutin

Le Nouveau-Brunswick n’a pas augmenté le nombre de bureaux de vote par anticipation, mais l’affluence à ceux qu’il a mis en place était considérablement plus élevée que l’année précédente, et les responsables examineront si cela vaut la peine d’ajouter une ou deux journées supplémentaires lors de leur analyse postélectorale. En 2018, un peu moins de 88 000 personnes ont voté au cours des deux journées de vote par anticipation. En septembre 2020, ce nombre avait augmenté à 131 000.

La C.-B. a ajouté un jour de vote par anticipation supplémentaire, passant de six à sept jours. Depuis 2005, M. Boegman a observé une évolution dans les préférences des électeurs. À l’époque, 90 % votaient le jour des élections, 5 % votaient par anticipation et les 5 % restants se rendaient aux bureaux des directeurs de scrutin. Cependant, lors des dernières élections, 30 % ont voté par anticipation.
 

Participation électorale

Mme Poffenroth était heureuse du taux de participation électorale aux élections du Nouveau-Brunswick. De 66,4 % en 2018, il a à peine diminué à 66,14 % en 2020.

« Étant donné l’ensemble des circonstances, tout particulièrement en ce qui concerne la pandémie, je suis très heureuse de la participation électorale », dit-elle. « J’estime que les gens ont reçu l’information relative au vote par anticipation et étaient aussi à l’aise avec ce que nous faisions pour maintenir notre personnel et nos électeurs en sécurité. »

En C.-B., le taux de participation a chuté à 52,4 %, comparativement à 61,18 % en 2017. La Saskatchewan a connu une légère augmentation, passant de 51 % en 2016 à 53 % en 2020.
 

Modifications pour la prochaine fois

Mme Poffenroth mentionne que le Nouveau- Brunswick tiendra ses élections municipales à l’échelle de la province au printemps, alors que la COVID sera toujours un facteur, et qu’elle surveillera la situation avant de se prononcer sur les modifications à mettre en place.

« Allons-nous centraliser le traitement des bulletins de vote par correspondance et aménager les bureaux des directeurs de scrutin pour qu’ils accueillent surtout les personnes se présentant y voter? », spécule-t-elle.

Normalement, après des élections, tous les directeurs généraux du scrutin et leurs assistants se rassemblent à Fredericton pour faire un bilan, mais avec la COVID, ce ne sera pas le cas. Ils feront plutôt un bilan à distance avec les agents de liaison locaux.

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'hiver 2020 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?