Travailler ou ne pas travailler?

21 décembre 2022
Doug Runchy.
Doug Runchey a occupé un emploi chez Home Depot après avoir pris sa retraite de la fonction publique, mais il s’est découvert des connaissances particulières qui lui ont permis de devenir travailleur autonome et de conseiller les gens sur le travail après la retraite. Photo par Karen McKinnon
 

Quand Doug Runchey a pris sa retraite à l’âge de 50 ans après avoir travaillé pour le gouvernement fédéral pendant 33 ans,  il savait que sa vie professionnelle était loin d’être terminée.

L’homme de l’île de Vancouver a donc déniché un emploi chez Home Depot et a été rapidement été assailli de questions de la part d’autres retraités et aînés. Après avoir travaillé à la Direction générale des programmes de la sécurité du revenu de Ressources humaines et développement des compétences Canada à titre de spécialiste du Régime de pensions du Canada (RPC)  et de la Sécurité de la vieillesse (SV), M. Runchey connaissait bien les rouages des pensions. En tant que nouveau semi-retraité, il était donc souvent appelé à faire part de ses connaissances chevronnées en la matière.

Il a fini par lancer DR Pensions Consulting, une entreprise qui fournit des conseils sur les pensions, y compris des calculs détaillés pour la planification de la retraite dans le cadre du RPC. Souvent, son objectif est d’aider les gens à déterminer les prestations qu’ils peuvent recevoir du régime fédéral et le moment où ils peuvent le faire. Ensuite, il aide à faire les calculs supplémentaires requis lorsqu’une personne reçoit déjà une prestation du RPC et recommence à travailler après 65 ans.

M. Runchey, qui est membre de Retraités fédéraux depuis 2005, a observé que les gens vivent plus longtemps et que les aînés semblent être en meilleure santé et beaucoup plus actifs qu’auparavant. Lui, par exemple, « a le bonheur d’être semi-retraité » à 69 ans. « Autrefois, d’après mon expérience, dès qu’une personne avait atteint l’âge de la retraite, c’était la fin de sa vie professionnelle », se souvient.

M. Runchey, retraité fédéral qui vitdans la vallée de Comox, sur l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Aujourd’hui, les gens tâtent lentement le terrain de la retraite. Après avoir pris leur retraite, ils se lancent souvent dans une nouvelle carrière ou décrochent un nouvel emploi.

Ce nouveau statut, parfois imprévu, offre une autre possibilité, hormis le salaire, de générer des revenus. Les personnes âgées de 65 ans et plus et  qui travaillent peuvent donc continuer de verser des cotisations au RPC ou au régime de rentes du Québec (RRQ) afin de tirer profit des prestations après-retraite de ces régimes, et ce, même si elles ont déjà commencé à percevoir  ces prestations.

« Je crois qu’il est avantageux de continuer à cotiser au RPC si vous avez plus de 65 ans parce que vous bénéficierez ultimement de ces prestations après-retraite. En effet, celles-ci vont simplement augmenter le montant du RPC que vous encaisserez chaque année », confirme Willis Langford, un planificateur de revenu de retraite à honoraires de Calgary qui se spécialise dans ce qu’il appelle la « désaccumulation », c’est-à-dire la recherche d’un revenu stable grâce à une réduction des actifs fiscalement avantageuse à la retraite.

« Votre employeur préférerait que vous ne le fassiez pas, parce qu’il n’aurait pas alors à contribuer à parts égales au régime. »

Les prestations après-retraite commenceront à figurer dans les versements mensuels du RPC/RRQ l’année suivante, en juillet, pour ceux qui ont commencé à recevoir des prestations du RPC/RRQ, et ce, même s’ils continuent de travailler.

Les prestations après-retraite sont automatiquement ajoutées aux versements mensuels du RPC/RRQ des personnes qui y sont inscrites, à condition qu’elles produisent leur déclaration de revenus chaque année.

La première tranche de 3 500 $ de revenu est exonérée. Par conséquent, ceux qui ne font que décrocher de petits boulots n’auront pas la possibilité de cotiser au RPC/RRQ pour ces gains.

Pour ceux qui choisissent de continuer à cotiser au RPC/RRQ, les prestations après-retraite pourraient ajouter un montant équivalant à 2,5 % du versement mensuel du RPC, pour un total d’environ 340 $ par année.

Les avantages sont semblables pour les résidents du Québec. Bien que le montant ajouté au chèque de pension du gouvernement chaque mois ne semble pas important, M. Langford croit que les avantages de continuer à contribuer au RPC/RRQ à la retraite l’emportent de loin sur l’option de ne pas le faire, car les cotisations sont égalées par l’employeur.

Travailler à la retraite ne signifie toutefois pas toujours travailler pour quelqu’un d’autre. M. Runchey, qui vit en Colombie-Britannique, donne en exemple sa propre situation. À titre de travailleur indépendant, il devrait payer à la fois la part de l’employé et celle de l’employeur, de sorte que la prestation après-retraite n’en vaut pas la chandelle.

Le travail à la retraite comprend d’autres risques que les retraités doivent prendre en considération avant de s’engager dans une nouvelle carrière. Par exemple, le revenu supplémentaire provenant de cet emploi pourrait bien les faire basculer dans une autre tranche d’imposition, lorsque ce gain s’additionne à un régime de retraite privé, au RPC/RRQ et à toute autre source possible de revenu. Il y a également le risque, en plus de payer plus d’impôts, qu’on leur réclame leurs prestations de la SV.

Lorsque le salaire d’un retraité dépasse 81 761 $, la SV est réduite de 15 %. Les prestations de la SV diminuent progressivement à mesure que le salaire augmente. Vous pourriez même ne plus y avoir droit si votre revenu atteint le plafond maximal (il est actuellement de 134 626 $). Ce risque peut toutefois être réduit si vous cotisez à un REER, mais seulement jusqu’à l’âge de 71 ans.

Un autre facteur à prendre en considération est le fait que le crédit d’impôt pour les personnes âgées de plus de 65 ans comporte un plafond de revenus de 39 000 $ au-delà duquel le crédit diminue.

« Les retraités doivent faire attention de ne pas trop travailler, pour ne pas réduire davantage leurs prestations de la SV. Ils doivent donc faire en sorte de gérer leur revenu total, » dit M. Langford.

Les gains imposables importants qui peuvent découler de grosses transactions, comme la vente d’un bien locatif ou d’une entreprise, nécessitent une planification préalable. Il n’y a aucun intérêt à faire une demande de prestations de la SV, puis de vendre un immeuble à revenu et de réaliser des gains en capital peu après, car vous devrez rembourser ces prestations. 

« Toute action a une conséquence sur une autre partie de vos finances. Avec un minimum de planification, vous pourrez éviter certaines de ces erreurs et pertes de prestations, ainsi que certains de ces coûts », assure M. Langford.

David Wagener, garde-chasse fédéral en Ontario, a évalué ses différentes options longtemps avant de prendre sa retraite il y a deux ans sur la ferme familiale au Nouveau-Brunswick. En mai dernier, il a accepté un poste de veilleur de nuit, à raison de trois quarts de travail de 15 heures par semaine, dans une usine qui, après 10 ans d’inactivité, a été relancée par un nouveau propriétaire.

Maintenant âgé de 66 ans, M. Wagener s’attend à perdre quelques plumes sur le plan fiscal. Ainsi, il paiera plus d’impôt sur le revenu et son nouveau revenu aura une certaine incidence sur ses prestations de SV. Il croit toutefois que cela en vaut la peine.

« J’adore ce que je fais », avoue-t-il. « C’est un emploi plutôt tranquille. Je peux observer la faune. Ce travail me permet en quelque sorte de structurer ma vie. Et puis, j’apprécie davantage mes journées de congé. »

C’est là un facteur important que l’on a tendance à oublier, souligne Simon Houle, éducateur québécois en planification de la retraite d’ÉducÉpargne, un organisme financé par le gouvernement qui se concentre sur de bonnes habitudes d’épargne. La santé mentale durant la retraite et la planification de celle-ci sont souvent éclipsées par l’accent mis sur les finances. M. Houle croit que la tendance grandissante à passer progressivement à la retraite offre aux retraités un avant-goût de cette période, tout en leur permettant de continuer d’éprouver un sentiment d’accomplissement au travail.

En ce sens, cette formule donne un sens important à leur vie, comme peut le faire le travail après la retraite.

Les aspects psychologiques de la retraite, ajoute-t-il, attirent progressivement l’attention, comme en témoigne la formation continue des planificateurs financiers qui se concentre de plus en plus sur la finance comportementale.

« La plupart des gens pensent simplement à l’argent, mais il faut aussi être heureux », explique M. Houle. « Avoir un but dans la vie est très important pour tout le monde. Une fois retraitées, beaucoup de personnes, si leurs enfants ont quitté le foyer, n’en ont pas vraiment. Pour bien des gens, c’est le travail qui donne un sens à leur vie. S’ils sont en mesure de continuer à travailler, c’est une bonne chose pour eux. »

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'hiver 2022 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?