« J’ai dû dire à ma femme que j’étais son mari, pas son père »

25 mars 2024
Guy Bird, bénévole de Retraités fédéraux, en compagnie de sa femme, Maureen, et de leur fille, Donna Lessard.
Guy Bird, membre et bénévole fédéral retraité, est photographié avec sa femme Maureen et avec sa fille, Donna Lessard (à l’extrême gauche), lors de la Marche pour l’Alzheimer de 2022.
 

Guy Bird s’est occupé de sa femme Maureen pendant 12 ans, de son diagnostic d’Alzheimer jusqu’à six mois avant son décès. Il nous fait part de son expérience. 

Guy Bird se souvient de la première fois qu’il a décidé qu’il avait besoin d’aide pour prendre soin de sa femme, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer depuis 12 ans.

« Le matin même où elle devait aller à l’établissement de soins, j’ai appelé et demandé s’ils seraient fâchés si je changeais d’avis », se souvient M. Bird. « Comme ils ont dit “non”, je l’ai gardée à la maison deux autres années. Elle avait encore assez de facultés cognitives pour me remercier de l’avoir fait, mais la deuxième fois, quand elle est allée dans un établissement de soins pour les six derniers mois [de sa vie], son état s’était bien plus détérioré. »

Lorsque sa femme a été diagnostiquée pour la première fois, un médecin leur a dit que son temps de réaction avait déjà ralenti et qu’elle ne devait pas conduire. C’est à ce moment que le long parcours de M. Bird a commencé. Mais, même aujourd’hui, il estime avoir eu de la chance en tant que proche aidant, d’une certaine façon.

« Je n’ai pas eu à cacher les clés de la voiture. Je n’ai pas eu à débrancher la cuisinière électrique », dit-il. « Je n’ai pas eu à verrouiller les portes la nuit avec [une serrure à] pêne dormant ou à me lever au milieu d’une nuit d’hiver pour la ramener à la maison, vêtue de son pyjama. Et je n’ai pas eu à esquiver des objets volants. »

En tant qu’animateur d’un groupe de soutien pour les proches aidants, M. Bird ne sait que trop bien que tout cela aurait pu être son sort. Mais cela ne veut pas dire pour autant que c’était facile.

Il a dû se débarrasser du « mauvais chat ». Ils n’en avaient qu’un, mais il a réussi à le rebaptiser « bon chat ». Il a dû lui dire que les gens qu’elle imaginait vivre dans leur chambre d’amis avaient déménagé, que le bébé qui pleurait dans le couloir n’était pas le leur, et, à l’occasion, qu’il était son mari, pas son père.

« C’est ce qu’on appelle le mensonge thérapeutique », explique M. Bird. « L’une des choses à retenir, c’est que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer se souviendront de quelque chose qui est arrivé il y a 30 ans, et ne se souviendront pas de ce qui vient de se passer il y a cinq minutes. Mais ils se souviendront de ce que vous leur avez fait ressentir et cela, pour moi, était l’une des principales choses à savoir. J’ai essayé de la garder heureuse et, de temps en temps, pour y arriver, il fallait lui mentir. »

M. Bird dit que sa transition la plus difficile a été de passer de son rôle de proche aidant à temps plein pendant plus d’une décennie à celui de visiteur devant prendre rendez-vous pour la voir pendant les 30 minutes imposées par la COVID et qui lui étaient accordées chaque jour.

Son principal conseil aux autres proches aidants? Demander de l’aide, ou même simplement l’accepter lorsqu’on l’offre. Cela ne vous rend pas faible. « Cela vous rend plus intelligent », dit-il.

« Bien plus de femmes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer que d’hommes et, pourtant, lorsque vous allez dans des groupes de soutien, il y a beaucoup plus de femmes là-bas que d’hommes. Pour moi, cela veut dire que les hommes se pensent trop forts… qu’ils n’ont pas besoin d’aide. »

M. Bird avait le soutien de ses deux filles qui vivent à courte distance en voiture et de son fils, à Ottawa. Tous prenaient le relais chaque fois qu’ils rendaient visite à leur mère. Il a également inscrit sa femme à un programme de jour les vendredis et embauché une préposée de soutien personnel pour venir les vendredis et lundis, pour lui permettre de faire des courses.

Pour sa propre santé mentale, il participait à un groupe de soutien une fois par mois quand il était proche aidant. Il continue d’ailleurs de faire du bénévolat comme animateur, parce que le groupe lui a été vraiment utile.

« Le groupe de soutien a vraiment été une bouée de sauvetage », précise-t-il. « Nous avons pu échanger des idées sur les choses qui fonctionnaient et qui ne fonctionnaient pas. Vous aviez la chance de comprendre que vous n’étiez pas seul et que d’autres personnes pouvaient parfois être aux prises avec des problèmes plus graves. »