Le pickleball, c’est gagnant!

11 mars 2024
Jean-Pierre de Beaumont.
Jean-Pierre de Beaumont, de Gatineau, au Québec, a commencé à jouer au pickleball à son départ à la retraite. Aujourd’hui, il s’entraîne pour les Jeux panaméricains. Photo : Dave Chan
 

Pour Jean-Pierre de Beaumont, ce fut un coup de foudre. Et c’est en jouant aux fléchettes à l’association locale des aînés que ce retraité a remarqué le pickleball parmi les programmes offerts. 

« Je ne savais rien de ce sport au nom étrange », dit-il. 

Curieux, il s’est rendu dans un centre sportif près de chez lui, à Gatineau, au Québec, et a pris part à des matchs où il manquait un joueur. Peu après, il y jouait huit fois par semaine. 

C’était un tout nouveau sport pour un homme qui jouait au badminton quatre fois par semaine avant de quitter son emploi au cégep Heritage College. Il est tombé sur ce sport quand il a commencé à travailler pour Travaux publics et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications, où il travaillait quand il a pris sa retraite en 2016. 

« Jouer me manquait. Lorsque j’ai découvert le pickleball, ce fut le coup de foudre et j’ai commencé à jouer aussi souvent que possible », dit-il. « J’aime être stimulé par des défis dans ma vie, pour donner le meilleur de moi-même. Le pickleball me permet d’être très physique. » 

Depuis sa première frappe fatidique, M. de Beaumont a participé à plus de 30 tournois, dont les championnats canadiens où il a remporté l’or pour son groupe d’âge et les National Seniors’ Games à Pittsburgh en juillet dernier. Ces derniers sont le plus grand événement multisports au monde pour adultes de plus de 50 ans. 

« Ce fut une expérience extraordinaire », confie M. de Beaumont, qui a adhéré à Retraités fédéraux en 2013. « C’était un honneur d’y être. » 

Aujourd’hui, il vise les Jeux panaméricains des maîtres de 2024.
 

Le pickle... quoi? 

Mais qu’est-ce que ce sport au nom étrange? Eh bien, si le tennis, le badminton et le ping-pong avaient un enfant, cela donnerait le pickleball, qu’on appelle aussi « tennis léger ». Inventé en 1965, il a connu un fort engouement ces dernières années. En fait, il fait fureur. 

Selon une étude réalisée en 2022 par Pickleball Canada, un million de Canadiens jouent présentement au moins une fois par mois, et 45 % jouent quatre fois ou plus. 

C’est le sport qui connaît la croissance la plus rapide sur le continent, et la USA Pickleball Association le qualifie de « très contagieux ». 

M. de Beaumont en est tellement atteint qu’il est devenu instructeur. Inspiré par les nombreuses académies de pickleball qu’il a découvertes en jouant aux États-Unis, il a créé la sienne. Depuis, il a enseigné ce sport à des centaines de gens, mais sans leur facturer de montant fixe pour les leçons. Il les invite sur le terrain et, ensuite, s’ils veulent lui donner de l’argent, ils peuvent le faire. 

Pour lui, ce qui compte, c’est la satisfaction de partager ce jeu dont il a tant retiré. 

« J’ai le plaisir d’initier chaque semaine des retraités à ce sport, qui est aussi facile à apprendre que magnifique », précise M. de Beaumont. 

Si un grand nombre de ses clients ont déjà pratiqué des sports de raquette, la moitié ne l’a jamais fait. Quoi qu’il en soit, il affirme que les gens apprennent à jouer en 10 ou 15 minutes. 

« Je ne dis pas qu’ils seront tous de bons joueurs, mais ce n’est pas nécessairement le but de tous. Ils veulent simplement s’amuser, rencontrer des gens, être au soleil et sentir le vent. » 

Aucune des personnes interviewées par Sage au sujet du pickleball ne contesterait cette affirmation. Selon Suzanne Carrière, il est facile d’apprendre et de s’améliorer. Elle et son mari ont essayé le pickleball une fois en 2017 lors d’un séjour en Floride, et ont recommencé à jouer en 2021. Même s’ils sont constamment actifs, les sports de raquette n’ont jamais fait partie de leur gamme de sports. 

« Mais cela n’avait pas l’air difficile et je me suis dit que nous ne pouvions pas être si mauvais que cela, car nous faisions tous les deux beaucoup de sport », explique Mme Carrière, qui est ceinture noire de karaté. 

D’autres joueurs leur ont volontiers expliqué les règles, qu’elle dit être simples, et donné des conseils. 

« À partir de là, nous avons été conquis. C’était une nouveauté, un défi », explique Mme Carrière, qui vit à Gatineau et a pris sa retraite de Statistique Canada en 2012, après quoi elle est devenue membre de l’Association. 

« Tout le monde peut jouer à ce jeu. Je vois des gens qui ne sont pas en bonne forme, mais qui jouent tout de même très bien. Et il n’est pas difficile de s’améliorer. » 

Peu après, Mme Carrière et son mari y jouaient six jours par semaine. Ils ont noué des amitiés partout en Amérique du Nord grâce aux médias sociaux et ont des partenaires de pickleball partout où ils voyagent. 
 

Bon pour l’égo 

Ce n’est qu’au bout d’un an après avoir commencé à jouer au pickleball que M. de Beaumont a convaincu sa conjointe, Chrystianne Pilon, d’essayer ce sport. Dans son enfance, sa relation avec le sport était « atroce », car elle était toujours la dernière personne à être choisie pour faire partie des équipes à l’école. 

« Comme la plupart des gens, elle n’était pas très douée au début », se souvient-il. « Mais elle est tombée amoureuse de ce sport. Quelques mois plus tard, elle est rentrée un jour à la maison, les larmes aux yeux en disant que sa vie avait changé. » 

Alors qu’elle se trouvait à un terrain, trois femmes lui avaient demandé de se joindre à elles en tant que quatrième joueuse. « Nous savons que tu joues bien », avaient-elles affirmé.

Rosanne Quan, qui vit à Victoria, comprend fort bien. 

« Je ne suis pas très sportive, je n’ai jamais fait de sport. Mon mari avait l’habitude de me conduire au travail, de me déposer et d’aller jouer au pickleball », précise l’ancienne agente de prestations de Service Canada, qui a rejoint son mari sur le terrain à sa retraite en 2018. 

« J’ai trouvé cela vraiment très prenant », dit Mme Quan, qui a adhéré à Retraités fédéraux en janvier 2023. 

Et, même s’il s’agit d’un excellent exercice et que les tournois soient amusants, pour cette femme très avenante, c’est l’aspect social qui prime. Elle joue avec quatre groupes différents cinq fois par semaine, dont les membres demeurent des amis en dehors du terrain. « J’ai rencontré tellement de gens merveilleux en jouant », dit-elle. 

Et cela comprend Fred qui, à 85 ans, a perdu une partie de sa mobilité et de sa vue. Mme Quan s’assure d’en faire son premier partenaire de la journée. 

« Nous perdons presque tous les matchs, mais nous nous amusons et c’est tout ce qui compte », dit-elle. 
Joueuse de tennis depuis l’adolescence, Suzanne Mainville-Lemay, de Cornwall en Ontario, estime que le pickleball est un jeu beaucoup plus sociable. 

« J’ai joué au tennis pendant des années et avec les mêmes 20 ou 30 personnes, mais il est rare qu’on devienne amis. Vous les rencontrez, vous jouez », dit-elle. 

« Avec le pickleball, on s’assoit après, on socialise. Peut-être est-ce attribuable au stade de la vie où nous nous trouvons. Il y a des barbecues et des soirées à Noël, au début et à la finde l’année. »

Elle et son mari ont commencéà jouer au pickleball après l’infarctusde ce dernier en 2021, car le tennis était trop exigeant sur le plan physique. Le terrain de pickleball étant plus petit, il faut moins courir. De plus, la raquetteet la balle sont plus légères. 

« S’il joue tous les deux ou trois jours, il ne s’épuise pas. Mais il continue à faire de l’exercice cardio et à bouger », précise Mme Mainville-Lemay, qui a pris sa retraite en 2015 après avoir travaillé pendant 30 ans dans le domaine des TI et de l’informatique à Parcs Canada, et qui a adhéré à Retraités fédéraux en 2020. 

Aujourd’hui, ses petits-enfants jouent aussi. Cependant, à cause de la popularité du pickleball, il est difficile de réserver un terrain à Cornwall. C’est pourquoi elle et son mari envisagent de déménager dans une grande ville.Cela les rapprocherait de leurs enfants, mais Mme Mainville-Lemay admet que le pickleball est le facteur déterminant.

« Eh bien, oui », s’esclaffe-t-elle. « J’ai travaillé pendant 30 ans. Je veux profiter des 30 prochaines années. Il est temps de m’amuser. »

Roseanne and Ken Quan.

Rosanne Quan et son mari, Ken, jouent plusieurs fois par semaine. Ils adorent ce sport, mais ont tous les deux subi des blessures. Elle a perdu une dent et il s’est déchiré le tendon d’Achille. Photo : Adrian Lam
 

Les jeunes y jouent aussi

Les autres aînés ne sont pas les seulsà rivaliser avec elle pour avoir accèsà un terrain.

Le groupe démographique des18 à 34 ans connaît la croissance la plus rapide, 13 % d’entre eux jouent au moins 15 fois par mois.

C’est le cas du fils de Mme Carrière,qui est âgé de 34 ans. Au début de l’année, elle lui a prêté une raquetteet l’a invité à jouer.

« Il a adoré ça et a eu la piqûre rapidement. Il a acheté de nouvelles chaussures et sa propre raquette », mentionne-t-elle. « Il joue dans trois ligues. Il est meilleur que nous maintenant! »

Même les professionnels du tennis ne sont pas à l’abri de l’attrait du pickleball. En avril dernier, Andre Agassi s’est associé à Andy Roddick et ils ont battu John McEnroe et Michael Chang au Pickleball Slam. M. Agassi a ensuite déclaré qu’il continuerait à jouer « aussi longtemps que je pourrai marcher — c’est dire à quel point j’aime ce jeu ». 

Le Pickleball Slam 2 opposera Andre Agassi et son épouse, Steffi Graf, aux légendes du tennis Maria Sharapova et John McEnroe, en février.

Et une autre grande vedette sportive, l’étoile québécoise du tennis Eugenie Bouchard, vient d’annoncer qu’elle participera à une tournée professionnelle de pickleball de cette année. 

« C’est une nouvelle vague de gens qui veulent jouer », explique M. de Beaumont. 

« Vous rirez, vous vous sentirez plus léger et vous apprécierez davantage la vie en jouant. C’est comme un retourà l’enfance. C’est un peu magique! »
 

Les périls du pickleball 

Selon le dicton, tout n’est qu’un jeu jusqu’à ce que quelqu’un perde un oeil. Ou une dent. C’est en jouant au pickleball que Rosanne Quan a perdu une incisive. 

« Ce fut complètement par hasard. La balle m’a frappé la bouche et j’ai perdu une dent », raconte cette résidente de Victoria. 
Son mari a connu un pire sort sur le terrain. À ses débuts, il s’est déchiré le tendon d’Achille, qui a mis près d’un an à guérir. 
« C’est courant », dit Mme Quan. « Il y a beaucoup de blessures. » 

Un rapport publié en 2019 dans le Journal of Emergency Medicine estime que le pickleball occasionne 19 000 blessures tous les ans aux États-Unis et, dans 90 % des cas, il s’agissait de personnes de plus de 50 ans. Il a repéré 300 types de blessures liées au pickleball, dont des foulures au mollet et à la cheville, des ruptures du tendon d’Achille et des fasciites plantaires. Dans l’ensemble, les fractures représentaient un tiers des blessures. Les analystes estiment que les coûts médicaux liés au pickleball pourraient atteindre 377 millions de dollars cette année au sud de la frontière. 

Mme Quan attribue cela en partie à l’engouement des gens qui se lancent à fond au début. 

« Beaucoup d’aînés qui jouent sont jeunes de coeur », dit-elle. « Mon mari a 70 ans, il frappera toutes les balles qui se présentent. Beaucoup d’entre nous ne se pensent pas aussi vieux qu’ils le sont. » 

Mais, en vieillissant, les chutes, les roulades et les impacts ont des séquelles plus lourdes qu’auparavant. Nathan Urquhart, un chirurgien orthopédiste spécialisé en médecine sportive, a constaté une hausse de joueurs de pickleball blessés à son cabinet de Dartmouth. 

« À mon avis, aucun autre sport n’entraîne autant de blessures chez les aînés », dit-il. 

L’ironie veut que, pour les jeunes joueurs, le pickleball représente un exercice de port de poids qui améliore la densité osseuse. Mais avec l’âge, la coordination et l’équilibre exigent de la prudence. Les gens sont enclins à tendre le bras trop loin pour frapper la balle. Ils perdent l’équilibre et tombent. 

« Quand on est plus jeune, on récupère un peu plus efficacement », explique le Dr Urquhart. « Quand on est plus âgé, en étendant le bras, on peut le casser à différents endroits. » 

Souvent, les blessures découlent d’une chute sur une main ouverte. 

Sport de réaction, le pickleball exige de se déplacer rapidement d’un côté à l’autre, vers l’avant et vers l’arrière. Glen Bergeron, professeur de kinésiologie et thérapeute du sport à l’Université de Winnipeg, affirme que ce sont les mouvements latéraux qui présentent des risques. 

« Nous ne sommes pas conçus pour bouger latéralement », dit-il. « Les gens peuvent estimer que les compétences à utiliser sont assez faciles, alors ils se lancent vers la balle et aboutissent dans des postures pour lesquelles ils n’ont pas l’agilité, l’équilibre ou la rapidité leur permettant de s’en tirer. » 

Le fait que beaucoup de gens jouent en portant des chaussures de course aggrave le problème. Ces chaussures sont conçues pour aller vers l’avant, et non pas d’un côté à l’autre. Elles n’offrent pas le support latéral offert par une chaussure de tennis ou de basket-ball. 

En plus des mouvements latéraux, la nature rapide des mouvements saccadés nécessaires pour jouer au pickleball exige beaucoup des tendons d’Achille, qui s’affaiblissent avec l’âge.
 

La bonne nouvelle? La plupart des blessures sont évitables 

Au début, allez-y lentement. Jouez une ou deux fois par semaine et améliorez-vous. 
Réchauffez bien vos muscles avant de jouer. Marchez rapidement de trois à cinq minutes autour du terrain, pour augmenter votre rythme cardiaque et réchauffer vos muscles. 
Faites des étirements dynamiques qui imitent les mouvements nécessaires au jeu, en vous assurant de faire des mouvements latéraux.  
Faites des exercices d’équilibre tous les jours à la maison. Commencez avec les yeux ouverts, puis exercez-vous à les faire progressivement avec les yeux fermés. 
Portez des chaussures adéquates et veillez à utiliser une raquette de taille adéquate.

« Lorsqu’on y joue avec prudence, le pickleball a de grands avantages physiques », dit le Dr Urquhart, en soulignant que, en raison du grand nombre de personnes inactives, le mouvement est comme un véritable médicament pour les articulations. 
« [Ce sport] est accessible et l’aspect de l’interaction sociale est génial. » Le secret consiste à jouer selon vos limites. 

« Essayez de ne pas devenir trop compétitif et d’en faire trop. Vous pourriez en payer le prix. C’est comme le hockey — tout va bien, jusqu’à ce que les gens qui jouent dans la ligue des “loisirs” décident de participer à la finale de la coupe Stanley. C’est là qu’ils se retrouvent dans le pétrin. »
 

Les inconvénients du pickleball 

Si les adeptes de pickleball adorent ce sport, il ne manque pas de détracteurs, dont ceux qui doivent l’écouter. Et les municipalités peuvent se retrouver entre l’arbre et l’écorce. 

Lorsque les balles frappent les dures raquettes de pickleball, elles font beaucoup plus de bruit que les balles de tennis. À cause du bruit produit par trois terrains de pickleball voisins, un couple de Halifax a dû cesser de s’asseoir dans sa cour arrière ou d’ouvrir les fenêtres pendant l’été. Pour couronner le tout, le couple a découvert qu’une toilette portative à l’intention des joueurs de pickleball avait été attachée à leur clôture arrière, produisant des « parfums âcres » qui s’ajoutaient au bruit « impitoyable » du sport. Un autre voisin a comparé le bruit à une « chambre de torture psychologique ». 

Il y a également eu des poursuites judiciaires. Un tribunal de Niagara-on-the-Lake, en Ontario, a statué qu’un club établi dans cette ville enfreignait le règlement municipal sur le bruit. La ville et le club ont dû payer chacun une amende de 1 000 $. En Alberta, la ville d’Okotoks a imposé des limites d’heures de jeu (de 9 h à 20 h presque tous les jours, comparativement aux heures précédentes de 8 h à 22 heures et de 9 h à 17 h les vendredis et dimanches) à un terrain de pickleball dont le bruit irritait les voisins. 

Un homme de Chilliwack, en Colombie-Britannique, a entamé une grève de la faim pour protester contre le bruit causé par un terrain, aménagé deux ans après son arrivée. 

Après 50 heures sans nourriture, il a déclaré avoir constaté assez de progrès pour arrêter, dont une invitation de l’hôtel de ville pour discuter de son problème.

 

Cet article a été publié dans le numéro du printemps 2024 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?