Un sac qui revient de loin

01 octobre 2021
Lise Saint-Laurent Fleury, (2e à partir de la gauche) tenant le sac et en compagnie de ses frères et soeurs.
Lise Saint-Laurent Fleury, (2e à partir de la gauche) tenant le sac et en compagnie de ses frères et soeurs.
 

Les canons du mois d’août est le titre d’un livre sur la Première Guerre mondiale très applaudi. Et « Les coïncidences du mois d’août » pourrait bien être le titre d’une histoire remarquable de la Seconde Guerre mondiale, et d’une famille du Québec.

En août 2018, Germaine Charest, mère de Lise Saint-Laurent Fleury et de ses quatre frères et soeurs, décède. Mme Fleury, qui vit à Gatineau, au Québec, et qui est à la retraite après une carrière de 35 ans au gouvernement fédéral se souvient que c’est à ce moment-là que des événements sans lien entre eux ont commencé à converger.

Ce même mois d’août marque le 25e anniversaire du décès de leur père, Paul-Étienne Saint-Laurent. La famille peut demander ses dossiers militaires. Ce qu'elle fait.

Maintenant, l’histoire se déplace sur un autre continent et devient extraordinaire. Quelques jours après la demande d’obtention des dossiers, le collectionneur militaire italien Lorenzo Campus entre dans une grange dans la région des monts Apennins et reconnaît un sac à dos des Alliés remontant à la Seconde Guerre mondiale, accroché au mur. Le fermier le lui donne pour sa collection.

Apparemment, le propriétaire original avait écrit son nom dessus : P. E. Saint-Laurent, numéro de matricule 47068. Comme l’arrière-grand-père de M. Campus avait combattu pendant la guerre, il décide de retrouver la famille du soldat.

« Il aurait pu le garder pour lui, mais il voulait nous le donner », dit Mme Fleury. « Nous étions très heureux qu’il ait fait tous ces efforts pour nous retrouver. »

Le nom du soldat étant de consonance française, M. Campus commence à chercher dans les archives de guerre de la France et de la Belgique. En vain.

Après des mois de recherche, il finit par appeler le réseau anglais de la Société Radio-Canada (SRC) à Montréal. Intriguée, la SRC contacte Bibliothèque et Archives Canada, et « comme ma soeur avait fait la demande », poursuit Mme Fleury, ils avaient le nom de ma soeur, le numéro de téléphone. »

« Quand ma soeur m’a téléphoné au sujet du sac à dos, je n’arrivais pas à y croire », lance Mme Fleury. « Je ne l’ai absolument pas crue. Franchement, 70 ans plus tard? »

M. Campus expédie le sac à dos à la famille et, la première nuit après son arrivée, « ma soeur a dormi avec le sac », confie Mme Fleury, souriant à ce souvenir. « Nous avons tous passé des moments agréables, à parler de notre père et de nos souvenirs. Tout le monde a touché au sac à dos, l’a ouvert et l’a tenu. Nous avons été très touchés par le fait que mon père, qui ne parlait pas du tout de la guerre, a finalement cessé d’être anonyme, d’une certaine manière. »

Paul-Étienne Saint-Laurent passera 48 mois outre-mer, dont les sept derniers avec le Royal 22e Régiment, à combattre les forces allemandes en Italie. À son retour au Canada, il rencontre Germaine Charest. Ils déménagent à Ottawa, où il travaillera pour Statistique Canada pendant 35 ans.

Même si les sacs à dos militaires sont des artefacts courants, le Musée Royal 22e Régiment, situé à la Citadelle de Québec, s’est intéressé à celui-ci. Il est inhabituel que le nom d’un soldat soit inscrit sur un sac à dos, qu’on identifie le propriétaire et qu’on détermine son parcours et son histoire.

« Mon père avait une belle écriture », mentionne Mme Fleury. « Pendant la guerre, ses collègues lui demandaient d’écrire leurs lettres. » M. Saint-Laurent n’a pas beaucoup parlé de la guerre à ses enfants, mais il leur a parlé du fait que, après avoir écrit une lettre, « souvent, le soldat était tué quelques jours plus tard ».

« Il nous a été facile de décider que le meilleur endroit pour le sac était le musée. »

Pour installer le sac à dos dans une exposition, le musée a organisé une cérémonie. Mme Fleury et ses frères et soeurs y ont assisté, mais la pandémie a empêché M. Campus de les rejoindre. Les frères et soeurs espèrent pouvoir un jour se rendre en Italie et rencontrer M. Campus. « Nous voulons y aller en famille; il nous montrera où il l’a (trouvé). »

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'automne 2021 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?