La force de l’amitié

08 septembre 2025
Carol Grieco et Kathy Manzo.
Carol Grieco, à gauche, et Kathy Manzo sont amies depuis 1973, année où elles se sont rencontrées au travail à Kitchener. Elles se sont épaulées à travers les hauts et les bas de la vie, y compris les décès d’êtres chers, des interventions chirurgicales et des diagnostics médicaux. Photo : Brian Thompson
 

Carol Grieco ne peut imaginer sa vie sans sa meilleure amie, Kathy Manzo. 

« Pour moi, elle est un cadeau du ciel », dit Mme Grieco, qui vit à Kitchener, en Ontario. « Comme la sœur que j’ai choisie. J’ai quatre sœurs épatantes, mais elles vivent toutes à Kingston. Elle, c’est ma sœur  [à Kitchener]. » 

Amies depuis 1973, elles ont traversé les hauts et les bas de la vie. Maintenant, elles vivent dans des unités de mêmes dimensions, dans le même immeuble d’habitation, seulement à un étage de distance. 

« Son mari et elle vivent au cinquième étage et moi, au quatrième », explique Mme Grieco. « Nous allons et venons entre nos appartements et faisons des choses ensemble. Pendant la pandémie, j’étais dans leur bulle. » 

La pandémie — pendant laquelle certaines personnes, en particulier les aînés, ont passé des jours et des semaines sans voir une autre personne, sauf sur un écran — a certainement rappelé la valeur de l’amitié. Ce que confirme la science. Une étude publiée dans l’American Journal of Psychiatry a révélé que les personnes qui ont des amis et des confidents proches sont moins susceptibles de souffrir de dépression et sont généralement plus satisfaites de leur vie. Une autre étude, publiée dans PLOS Medicine, a constaté qu’elles sont également moins susceptibles de mourir de toutes causes, y compris les maladies cardiaques et plusieurs maladies chroniques. 
 

L’engagement importe, alors qu’on vieillit

« Avec l’âge, si l’on regarde la santé mentale et physique, il ne fait aucun doute que l’engagement avec la famille, les amis, les voisins, et même les connaissances, est important », affirme Simon B. Sherry, professeur au département de psychologie et de neurosciences de l’Université Dalhousie et psychologue clinicien. « Il est utile d’avoir quelques proches humains dans son entourage et ceux-ci sont moins nombreux que jamais. » 

Il dit qu’une étude du médecin-chef des États-Unis examinant l’épidémie de solitude a révélé une chute précipitée d’environ 20 heures par mois du temps que ses sujets d’étude passaient avec leurs amis, de 2003 au début de 2020. Et cette étude a pris fin avant que la pandémie ne commence en 2020. 

M. Sherry ajoute que la fréquenceà laquelle on a un contact avec une personne n’est pas un prédicteur fiable.

« Les gens s’en sortent mieux lorsqu’ils ressentent une qualité réciproque dans leur relation avec quelqu’un », explique-t-il, ajoutant qu’il est difficile de parler d’amitié sans parler de perte. « On 
perd des amis à cause de problèmes médicaux, de collègues qui prennent leur retraite; on perd des membres de la famille et des conjoints. » 

Par exemple, lorsque la mère de Mme Grieco est tombée malade, puis est décédée, Mme Manzo l’a aidée à traverser cette période douloureuse et a également pris soin des chats de la défunte. Puis, le mari de Mme Grieco est tombé malade et Mme Manzo l’a aidée. Le jour du décès du mari de Mme Grieco, Mme Manzo a appris que son cancer du sein était revenu. Et ce fut alors au tour de Mme Grieco de la soutenir. 

Mme Grieco, qui se trouvait à l’hôpital pour une opération au genou trois jours après son entrevue avec Sage, savait que Mme Manzo garderait son petit chien jusqu’à ce qu’elle puisse le promener à nouveau. Mme Manzo l’a également conduite à l’hôpital et lui a rendu visite quand elle s’y trouvait également pour son traitement contre le cancer. 

« Nous avons aussi des caravanes dans la même marina à environ une heure et demie d’ici, et la mienne a décidé d’être inondée le jour de mon rendez-vous préopérationnel », explique Mme Grieco. « Mon voisin l’a remarqué et m’a avertie par texto. Nous avons réglé ça, mais Kathy m’a aidée à tout emballer, parce que j’avais dû fermer [la caravane] tôt à cause de ma chirurgie. Elle m’a aidée à emporter tous mes effets, puis elle a gardé mon chien alors que je logeais dans sa caravane. » 

Mme Grieco est « simplement, quelqu’un qui a toujours été là, alors quoi de mieux comme amie? », lance Mme Manzo, ajoutant qu’elles ont même effectué plusieurs voyages dans les Caraïbes avec leurs époux. « Carol est une femme forte, forte. Elle m’a soutenue après la mort de ma mère et la mort de ma sœur. Et nous faisons partie de la famille de l’autre. » 

Mme Grieco, qui siège au conseil d’administration de Retraités fédéraux, a aussi des amis au sein de l’association et des voisins qui sont des amis, deux points que les experts approuvent. 
 

Se faire des amis, mode d’emploi

Alors, comment se fait-on des amis à un âge avancé quand les possibilités sociales sont moins nombreuses et moins fréquentes? M. Sherry conseille de commencer par dire oui à toutes les invitations sociales. 

« Si vous dites habituellement “Oui”, cela aura un effet favorable en cascade sur votre monde social, car si vous vous présentez à une occasion, vous vous ferez inviter à une autre », souligne-t-il. « Cela fait partie de la réactivation, du réengagement et de la remobilisation, alors que vous renouez avec le monde. » 

Parmi les réalités sombres du vieillissement, il faut citer le cortège de funérailles auxquelles on pourrait assister chaque semaine. Si ces événements vous dépriment, M. Sherry suggère d’assister à un moins grand nombre. « Il existe aussi des preuves que les funérailles ne sont peut-être pas particulièrement utiles pour faciliter le deuil », dit-il. « Le travail sérieux du deuil ne convient pas bien à un format rigide de deux heures. » 

Il affirme qu’une tendance à l’isolement croissant existait déjà avant la pandémie, et que celle-ci n’a fait qu’aggraver la situation. Il suggère que, comme société, nous pourrions concevoir nos environnements bâtis et nos interactions sociales différemment. 

« Vous pouvez concevoir vos bâtiments, vos routes, vos villes, vos parcours urbains pour qu’ils soient plus ouverts et plus propices à l’interaction sociale », explique-t-il. « Ce sont des choix, dans un monde d’urbanisme. Mais, en raison de politiques, les gens ont dû rester à la maison pendant plusieurs années et perdre leurs contacts avec les autres, ce qui a eu un effet traumatisant sur nos relations sociales. »  

M. Sherry dit qu’on peut « mettre en veilleuse des relations amicales pendant des décennies ». Il affirme que voyager ensemble est un excellent moyen de créer une véritable amitié, mais que l’aventure devient plus difficile alors que nous avançons en âge.

« Qui se ressemble s’assemble », dit-il, « alors, passez du temps avec ceux qui vous ressemblent. » Donc, si vous aimez peindre, prenez un cours de peinture; si vous aimez faire du yoga, joignez-vous à un groupe de yoga ou partez en retraite de yoga.
 

Renouer après des décennies

Geoff Howson, qui est membre de Retraités fédéraux, a réalisé la valeur des amitiés qu’il avait nouées au cours de sa vie pendant la pandémie. En tant que prêtre anglican à la retraite et nommé une fois à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, il a dit avoir entendu beaucoup d’éloges funèbres au fil des ans. Il a souvent demandé aux orateurs funèbres s’ils avaient confié à la personne décédée ce qu’ils ressentaient lorsqu’elle était en vie. 

« Je ne compte plus le nombre de gens qui ont répondu “non” à cette question », dit M. Howson, qui vit à St Andrews, au Nouveau-Brunswick. « J’ai donc commencé à penser à des gens qui avaient laissé une marque indélébile sur ma propre vie et j’en ai contacté certains. J’ai été surpris de constater que, eux aussi, étaient heureux de reprendre le contact. Je dirais que, dans 90 % des cas, nous avons maintenant renoué. » 

Geoff Howson, Alan Dunfield et Robert Stephenson.

Pendant la pandémie, Geoff Howson, au centre, a renoué avec plusieurs amis importants qu’il avait connus au fil des ans. Il s’est aussi fait de nouveaux amis, dont Alan Dunfield, à gauche, et Robert Stephenson, à droite. Photo : Noel Chenier
 

L’automne dernier, il est allé en Écosse en octobre avant un voyage en Irlande et un ami de l’époque de l’université a pris le temps de faire le trajet de Londres à Édimbourg pour juste une soirée, pour voir M. Howson et sa femme, Jan. 

M. Howson a également travaillé à se faire de nouveaux amis. Par exemple, il voit désormais deux hommes qu’il a rencontrés récemment chaque semaine, le lundi après-midi, dans un pub. 

« Ces deux messieurs sont de très bons amis », explique M. Howson.  « J’ai rencontré Alan [Dunfield] en attendant un souper de cari indien. Il portait une casquette de baseball des Expos de Montréal, alors je lui ai demandé quel était son lien avec cette équipe. 

Il s’est avéré que nous connaissions tous les deux la région où il avait grandi. Et nous avons découvert d’autres points communs. » 
Son nouvel ami lui a proposé d’aller boire une bière ensemble.

« Et, quand nous l’avons fait, les conversations étaient riches, drôles, émouvantes et profondes.  Au bout d’un moment, il m’a demandé si je voulais rencontrer [Robert Stephenson], son ami le plus proche à St. Andrews.  Ils se connaissent depuis quarante ans et leurs familles sont très proches. Et le rendez-vous hebdomadaire du lundi au pub est devenu une rencontre à trois, animé de conversations merveilleuses et variées. 

Ce fut un véritable cadeau. » M. Howson affirme que ses retrouvailles avec de vieux amis sont également un cadeau. 

« Je suis vraiment conscient du cadeau qu’est l’amitié », dit-il.

« Je pense que, parfois, en tant qu’aînés, nous ne réalisons pas que nous pouvons retourner dans le passé. Maintenant, nous plaisantons parce que nous parlons tous de nos problèmes de santé. » 

Évoquant l’idée de renouer avec des amis d’autrefois de M. Howson, M. Sherry confirme que c’est une excellente « stratégi », en particulier pour les personnes qui ont de la difficulté à se faire des amis dans leur environnement actuel (même si ce n’était pas ce qui motivait M. Howson). 

« Songez à vos anciens environnements », dit M. Sherry. « Prêtez attention aux amis avec lesquels vous avez pu être liés dans le passé [et essayez de reprendre le contact]. » 

 

Cet article a été publié dans le numéro du été 2025 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?