L’intérêt d’avoir des défenseurs des aînés

21 septembre 2021
BC seniors advocate Isobel Mackenzie.
La protectrice des aînés de la Colombie-Britannique, Isobel Mackenzie, a été une dirigeante des plus franches sur de nombreux enjeux connexes. Photo : Adrian Lam
 

Retraités fédéraux milite pour la nomination de défenseurs des aînés dans les provinces, plutôt que des ministres des Aînés, car les défenseurs sont indépendants et responsabilisent les gouvernements.

Vous vous demandez peut-être « Pourquoi avoir un défenseur des aînés quand ces deux provinces ont des ministres des Aînés, tout comme le gouvernement fédéral? » C’est une bonne question, mais les défenseurs des aînés et les ministres des Aînés ont des rôles différents. Les uns servent des intérêts publics et les autres, des intérêts politiques.

Les ministres des Aînés, des représentants élus qui détiennent un portefeuille et un siège au cabinet, s'apparentent à ce qu’on appelait jadis des ministres d’État ou des ministres de second rang. Habituellement, ces ministres n’étaient pas des membres du cabinet, mais leur rôle se situait quelque part entre celui d’un secrétaire parlementaire et d’un ministre, et ils se consacraient à un dossier d’une certaine importance pour le gouvernement. Un bon exemple serait la façon dont les ministres des Aînés de certaines provinces et de certains territoires relèvent principalement du ministre de la Santé (même si, à l’évidence, on s’attendrait à ce qu’un ministre des Aînés contribue à d’autres sphères).

Récemment, au niveau fédéral, les titres de « ministre d’État » ou de « ministre de second rang » ont été délaissés et ces personnes s’appellent, simplement, des ministres. Elles ont une place au sein du cabinet, ont habituellement un rôle plus discret, sans budget ni ministère précis doté de fonctionnaires, et la portée de leurs responsabilités (et leur budget) fait partie d’un autre ministère. Au niveau fédéral, la ministre des Aînés fait partie d’Emploi et Développement social Canada.

Pour la plupart des gouvernements, le portefeuille des aînés porte sur la santé d’une population en particulier (et, pour faire preuve de pragmatisme, d’une population qui vote). Dans certains cas, les gouvernements considèrent les aînés comme un groupe important devant être représenté au cabinet. Pour d’autres gouvernements, le portefeuille des aînés doit être coordonné par plusieurs ministères, comme ceux de la Santé, des Finances, du Développement social, des Transports, de la Planification urbaine, des Infrastructures et du Logement, entre autres. Il faut donc qu’une personne coordonne ces efforts interministériels pour réaliser les engagements et les mandats du gouvernement.

Dans l’un ou l’autre des cas, transformer le dossier des aînés en ministère entraînerait un fractionnement (division de parties du ministère de la Santé en un organisme plus petit) et une duplication ou un chevauchement, car les aînés ont des intérêts dans la santé, mais n’en sont pas les seuls utilisateurs. D’autre part, les préoccupations des aînés ne sont pas uniquement liées à la santé.

Il est évident qu’avoir un ministre pour faire avancer le « dossier des aînés » est logique pour les gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux, et également pour les Canadiens, si le ministre a de la latitude, un mandat clair et des outils pour réaliser des objectifs politiques.

Un défenseur des aînés exerce des fonctions différentes. Au Canada, au cours des dix dernières années, quatre provinces — la Colombie-Britannique, le Nouveau- Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, et, jusqu’en décembre 2019, l’Alberta — ont nommé des défenseurs des aînés, habituellement par le lieutenant-gouverneur ou un ministre. Selon la loi, certains défenseurs des aînés sont nécessaires, pour faire rapport à l’assemblée ou au ministère de la Santé sur leur mandat chaque année. D’autres n’ont pas d’exigences de reddition de compte, mais peuvent choisir de le faire.

Tout comme pour les ministres, deux modèles de base existent actuellement. L'un d'eux considère la population des aînés comme un groupe vulnérable ayant des problèmes de santé. Les défenseurs du Nouveau-Brunswick et, anciennement, de l’Alberta, représentent bien ce modèle.

La Colombie-Britannique illustre bien l’autre modèle et, dans une moindre mesure, Terre-Neuve-et-Labrador. Ce dernier modèle précise que les enjeux liés aux citoyens âgés doivent être considérés d’un point de vue systémique et intersectionnel et ne se limitent pas à la santé. Leur législation stipule explicitement que les aînés ont des besons en matière de santé, mais aussi de finances, de transport, de soins personnels et de logement.

Même si quelques provinces seulement ont des défenseurs des aînés, on demande des postes semblables partout au pays, y compris en Saskatchewan et en Ontario en 2020. La conversation sur la nécessité d’avoir un organisme indépendant du gouvernement qui défend les intérêts supérieurs des aînés et qui rend des comptes est à l’ordre du jour.

Ce qui distingue un défenseur des aînés d'un ministre des Aînés est son indépendance du gouvernement et des secteurs liés à l’hébergement et aux soins des aînés, ainsi qu’aux autres éléments importants pour cette population. Les défenseurs des aînés nommés par un lieutenant-gouverneur sont plus indépendants que ceux nommés par un ministre.

Toutefois, dans les deux cas, leur indépendance est consacrée, et si les médias apprenaient qu'un défenseur avait fait l’objet de pressions politiques pour prendre une décision précise, cela susciterait un tollé.

Les ministres et les défenseurs ne sont pas des rôles interchangeables. Pour être efficace, chacun peut jouer un rôle important en s’assurant que les politiques publiques axées sur les aînés sont priorisées et que le gouvernement et le secteur privé répondent à leurs besoins et servent leurs intérêts supérieurs. Les ministres fournissent des politiques, des stratégies et des cadres par rapport aux enjeux des aînés, alors que les défenseurs des aînés surveillent le respect des programmes et des politiques, reçoivent les plaintes, responsabilisent le gouvernement et le secteur, aident à naviguer dans le système, mènent des enquêtes et des recherches, et présentent des rapports et des recommandations pour informer les gouvernements.

Norman Bossé .
Au Nouveau-Brunswick, Norman Bossé est le défenseur des enfants, des jeunes et des aînés.
 

Comme la population vieillit, le rôle des défenseurs des aînés prendra de l'importance. Tous les paliers de gouvernement hésiteront probablement à créer des bureaux de défenseurs des aînés. Les gouvernements qui aiment les défenseurs ou les vérificateurs indépendants qui surveillent leur travail, les tiennent responsables, les blâment lorsqu’ils échouent et recommandent des changements dans leurs rapports annuels sont rares. On peut dire la même chose des secteurs liés à la santé et aux services sociaux des aînés, comme les chaînes de soins de longue durée, les agences de placement, les services alimentaires et les entreprises de services de conciergerie. On s’attend à ce que les secteurs qui doivent être surveillés fassent du lobbyisme contre les défenseurs des aînés, particulièrement s'ils ont ont le pouvoir de convoquer des témoins lorsqu’ils enquêtent sur des enjeux.

Même s’il est souhaitable d’avoir des ministres des Aînés aux niveaux fédéral et provincial et que cela indiquerait l’engagement de gérer les véritables enjeux auxquels les aînés font face, des programmes et des politiques peuvent être exécutés sans de tels ministres. De plus, la création d’un ministère pour les aînés n’est pas logique, vu la nature du dossier.

Cependant, comme les aînés représenteront environ 25 % de la population dans 10 ans, les gouvernements seraient avisés de s’assurer d’être perçus comme prenant les politiques sur les aînés au sérieux, et quelqu’un doit responsabiliser les gouvernements et le secteur privé.

Les problèmes de santé et de vulnérabilité ne définissent pas les aînés. Toutefois, la COVID-19 nous a appris que nous ne pouvons pas compter sur des entreprises privées du secteur des soins des aînés, comme les fournisseurs de soins de longue durée, pour s'autoréglementer, ni sur les gouvernements pour s’assurer que les politiques et les programmes conçus pour les aînés sont appliqués avec des normes rigoureuses d’un océan à l’autre.

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'automne 2021 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?