Petites victoires de vaccination

07 septembre 2021
Gary Springer avec sa mère, Elta.
Alors que la vaccination se poursuit partout au Canada, les retraités se remémorent les aspects de leur vie qui leur ont le plus manqué et qu’ils veulent retrouver. Photo : Dave Chan
 

On n’est jamais trop vieux pour s’ennuyer de sa mère. Pour Gary Springer, être séparé de sa mère au cours des 17 derniers mois s’est avéré des plus difficile.

Elle habite dans un foyer de soins à Ottawa et la COVID-19 avait interdit les visiteurs.

« Cela a été vraiment dur », confie le vétéran de l’Aviation royale canadienne. « Ma mère a bien pris soin de nous tous, ses enfants. La confier à quelqu’un d’autre pour qu’on s’occupe d’elle, en quelque sorte, a été pénible. »

Avec ses frères et soeurs, il lui a parlé sur Zoom tous les samedis. Même si c'est mieux que rien, c’est loin d’être l’idéal, puisqu’elle a 102 ans et n’est pas versée en technologie.

« La plupart du temps, elle ne fait que somnoler pendant que nous lui parlons. Parfois, une mention éveille ses souvenirs. »

Alors que les mois s’éternisaient, la voir était la raison pour laquelle il attendait avec impatience de se faire vacciner. Après sa deuxième dose en juin, il avait hâte à leurs retrouvailles.

« Je veux simplement voir si elle a changé et comment elle réagit », mentionne M. Springer. « Elle ne vivra pas éternellement. Tout ce que je veux, c’est la voir, lui tenir la main et peut-être obtenir une réaction. »

Après son premier entretien avec Sage, il a finalement pu voir sa mère le 7 juillet.

« Je dois admettre que c’était tout un cadeau. J’étais heureux. Ma femme l’était aussi. Nous avons surpris maman et nous avons dû briser la glace et lui raconter un peu notre histoire et ce qui s’était produit depuis la dernière fois où nous l’avions vue », poursuit M. Springer. « Nous avons eu une bonne conversation. Elle était plutôt bavarde, comparativement à nos discussions avec elle sur Zoom, ce qui faisait plaisir à voir. »

Pouvoir de nouveau passer du temps avec elle est sans conteste le principal avantage de la vaccination.

« Maman est forte, mais je pensais ne jamais la revoir à cause du virus et des restrictions. On ne sait jamais quand quelqu’un va nous quitter, à cause de ça ou d’autre chose », précise M. Springer.

Après une heure ensemble, il a trouvé difficile de la laisser.

« Elle semblait esseulée. Elle reste assise, seule dans sa chambre, jour après jour. Je ne peux pas me l’imaginer. Nous allons donc la visiter chaque semaine et la tenir occupée. Je ne veux pas qu’elle reste simplement assise là, seule, qu’elle s’éteigne et nous quitte. »
 

Une nouvelle normalité

La pandémie a été un passage difficile pour plusieurs, en raison des restrictions sur les endroits où aller, sur ce qu’on pouvait faire et sur qui on pouvait voir.

À mesure que les taux de vaccination grimpent à travers le pays et que les restrictions sont levées, on observe un certain retour à la normale, ou plutôt une nouvelle normalité. Les retrouvailles avec des proches sont de plus en plus fréquentes et les gens ont hâte de retrouver leurs activités de prédilection.

Néanmoins, les gens n’aspirent pas tant à ce que les choses se passent comme avant. En s’appuyant sur un sondage effectué auprès de plus de 1 000 Canadiens en avril et en mai pour le National Post, John Wright, vice-président directeur chez Maru Public Opinion, a indiqué à ce quotidien que les Canadiens recherchent la stabilité dans cette nouvelle normalité. Et, en raison de la façon dont ils ont été forcés de s’adapter, ils veulent que la société suive la cadence.

« Nous émergeons dans une société changée baignée d’un nouveau soleil », précise M. Wright.
 

Des larmes de joie

Cette lumière au bout du tunnel peut émouvoir au point de verser des larmes.

Lorsque Joan Hurren a appris qu’elle allait recevoir sa première dose, elle a pleuré.

« J’étais tellement, tellement soulagée. Cela m’a frappée », explique la commis retraitée de l’Agence des services frontaliers du Canada de Fort Erie, en Ontario.

Elle a maintenant eu sa deuxième dose et espère que ce soit le cas pour tous ceux qui le peuvent.

« Personnellement, cela a fait toute la différence pour me sentir à l’aise d’être entourée de gens et ne plus m’inquiéter de contracter le virus. Mon mari souffre d’un problème cardiaque. Nous sommes dans un groupe d’âge plus à risque », souligne Mme Hurren, âgée de 70 ans.

Même si le couvre-visage et le lavage des mains feront partie intégrante de sa vie pour encore un bon moment, elle savoure les petits bonheurs dont elle a été privée si longtemps, notamment les repas sur une terrasse avec des amis et des proches qui sont vaccinés.

« Ce qui me manquait le plus, c’était d’aller au restaurant. Nous tenions ces choses pour acquises, mais ce n’est plus du tout mon cas désormais. Je m’ennuyais de regarder les gens et de sourire », explique-t-elle.

Grande amatrice de magasinage, Mme Hurren a découvert Amazon pour soulager ce besoin lorsque les magasins étaient fermés. Cette relation s’est avérée éphémère.

« J’ai compris que j’avais besoin de beaucoup moins dans ma vie. Ce dont j’ai besoin, ce ne sont pas des choses matérielles. Ce n’est pas ce qui importe. »

Elle ne ressent d’ailleurs plus autant le besoin de socialiser, puisqu’elle explique qu’elle et son mari ont appris à se satisfaire de la compagnie de l’autre durant la pandémie.

« J’ai aimé être seule », poursuit Mme Hurren. « J’ignore si cela fait de moi une personne antisociale. Je pense que notre temps est d’autant plus précieux désormais et nous sommes donc plus sélectifs par rapport aux personnes à qui nous le consacrons. Du moins, c’est mon cas. »

Tout comme plusieurs personnes qui ont accepté le grisonnement lorsque les salons de coiffure ont dû fermer, Mme Hurren ne regrettera pas les dépenses mensuelles de plus de 100 $ pour faire teindre ses cheveux.

« Mais qu’est-ce qui me passe par la tête?, ai-je simplement décidé. J’aurai bientôt 70 ans. Pourquoi me préoccuper de mes cheveux? »
 

Kathey Rowsome à cheval.

Lorsque la COVID-19 a frappé, Kathey Rowsome a commencé à passer plus de temps sur sa jument de location, à Merrickville, en Ontario. Depuis, elle a acheté la jument.
 

Forger des liens avec les animaux

Comme Mme Hurren, les priorités et les perspectives de Kathey Rowsome ont basculé à mesure que le monde entier fermait boutique et que la prise de conscience que la vie peut changer en un instant cheminait.

Avant la pandémie, elle passait beaucoup de temps à l’étable, près de Merrickville, en Ontario, à monter Kate, la jument qu’elle louait alors. En devant soustraire les activités sociales et le magasinage de son emploi du temps, le temps consacré là-bas a vite augmenté. Tout comme le lien de confiance entre elle et la jument.

« C’était ma passion, il y a 30 ans », dit Mme Rowsome. J’ai consacré plusieurs années à l’équitation, à m’entraîner et à participer à des compétitions. Puis, d’autres changements sont survenus dans ma vie. »

Elle a continué à faire de l’équitation dans ses temps libres depuis, mais pas avec la même intensité. Désormais, ayant trouvé Kate et ayant approfondi son lien avec elle au point de l’avoir achetée, elle rapporte que cela avait ravivé sa passion et son esprit de compétition.

« Lorsque le monde s’ouvrira de nouveau, j'aurai vraiment hâte de participer à des compétitions cet été », mentionne Mme Rowsome, évoquant quatre concours de dressage locaux à venir. Dans un monde vacciné post-COVID-19, voyager avec son cheval et participer à des compétitions est en tête de sa liste de vie.

En cette période où tant de choses étaient perdues, elle juge que l’équitation a été un véritable cadeau.

« Faire un retour aux sources et avoir le réconfort de pratiquer de nouveau un sport que j’ai aimé toute ma vie m’a beaucoup aidée à surmonter la peur et l’incertitude d’ignorer comment tout cela allait finir. »

Trouver la bonne compagne pour cette aventure a été un facteur non négligeable.

« Ce qui est extraordinaire dans la relation que j’ai développée avec Kate, c’est l’âge et la sagesse de cette jument. Elle a beaucoup de vécu et de connaissances, avec une touche d’impertinence. Dès les premiers jours, elle a conquis mon coeur. »

Si la COVID-19 n’avait pas eu lieu, Mme Rowsome n’aurait pu profiter de cette expérience intense et des bienfaits de posséder un cheval de nouveau.
 

Une grande expérience à l’échelle mondiale

Pour Lisa Taylor, la double vaccination est l’espoir de remonter figurativement en selle, sur le terrain de curling. Passer du temps sur la glace est ce qui lui a le plus manqué. Même si elle a joué au golf cet été, elle continue d’agir comme auparavant, en portant un couvre-visage et en se limitant à son petit groupe d’amis à Brockville, en Ontario. Mme Taylor a mentionné que la dernière année et demie a été une grande expérience à l’échelle mondiale, que nous vivons toujours. À l’heure actuelle, s’aventurer dans le monde s’apparente à se tremper l’orteil dans l’eau pour en évaluer la température. Même si elle sait qu’il est temps de reprendre ses activités, elle n’est pas tout à fait prête pour le grand plongeon.

« Ne tentons personne prématurément, en essayant d’en faire trop, et trop rapidement », nuance Mme Taylor, une agente retraitée de la police militaire. « La composante réelle de cette expérience reste encore à venir durant l’automne et l’hiver. Nous saurons enfin si ces vaccins agissent. C’est pourquoi nous devons faire preuve de patience et y aller tranquillement, à petits pas. Nous nous attendons à ce que la science soit très claire. Pourtant, elle ne l’est pas. Elle ne peut pas l’être face à un nouveau virus. »

Ce qui lui revient constamment à l’esprit, c’est un panel auquel elle a assisté virtuellement l’année dernière. Deux spécialistes universitaires y avaient abordé le potentiel des clubs de curling d’agir comme des boîtes de Pétri pour la COVID-19, en raison de la température, de l’humidité et du manque de circulation ou de filtration d’air qui les caractérisent.

Autant Mme Taylor a envie de retourner sur la glace cet automne, autant elle surveillera attentivement les clubs qui rouvriront plus tôt.

« Je serai extrêmement prudente durant le premier mois pour observer comment les choses se déroulent », souligne-t-elle. « Ce sera un test véritable pour mesurer nos résultats. »

Cela dit, elle prévoit de se rendre au Costa Rica en janvier, avec du désinfectant et des couvre-visages dans ses bagages. Comme la pandémie a annulé ses projets de voyage l’année dernière, elle a hâte d’explorer le monde hors de son divan.

Tous ne partagent cependant pas ce sentiment. Un récent sondage Léger Marketing indiquait que près des deux tiers des Canadiens ne sont pas encore prêts à partir en vacances après la pandémie, car 62 % des répondants étaient également répartis entre s’abstenir de faire tout projet de voyage et n’avoir aucunement envie de voyager dans un avenir rapproché.
 

Prêt pour le décollage

M. Springer n’est pas de ces derniers. Même si un remplacement de genou l’a forcé à rester à domicile depuis l’automne dernier et à communiquer avec sa collectivité grâce à un groupe de quartier qu’il a créé sur Facebook, il lui tarde de quitter le porche avant de sa maison. Ses enfants et ses petits-enfants sont en Floride et en Alberta, et sa fille prévoit de louer un logement en Arizona cet hiver. Armé de son deuxième vaccin, il est soulagé, confiant et impatient de sortir explorer le monde de nouveau.

« Nous aimerions pouvoir les accompagner », ajoute M. Springer, évoquant son épouse Brenda et lui-même. « Comme ils nous manquent tous énormément, c’est notre rêve à l’heure actuelle. »

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'automne 2021 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?