Nancy Payne se souvient de son fils

12 novembre 2025
La mère décorée de la Croix d’argent de cette année, Nancy Payne, en compagnie du premier ministre Mark Carney, ainsi que du suppléant de la gouverneure générale et juge en chef du Canada, Richard Wagner.
Nancy Payne, qui est membre de l’Association nationale des retraités fédéraux, est la mère décorée de la Croix d’argent de cette année. Nancy est photographiée ici avec le premier ministre Mark Carney, ainsi que le suppléant de la gouverneure générale et juge en chef du Canada, Richard Wagner. Photo : Dave Chan
 

Le Cpl Randy Payne avait été déployé en Afghanistan depuis moins de trois mois lorsqu’il a été tué alors qu’il servait au sein de l’équipe de quatre hommes chargés de la protection rapprochée de la police militaire. Seul membre de son groupe à ne pas mourir immédiatement lorsqu’une bombe artisanale frappa le véhicule militaire G-Wagon dans lequel ils revenaient vers la base aérienne de Kandahar, Randy a été évacué par avion à l’hôpital de Kandahar. 

Des années plus tard, le père de Randy, David, et son frère aîné, Chris, ont pu visiter l’hôpital où Randy avait succombé à ses blessures. Sa mère, Nancy Payne, a cependant choisi de ne pas se rendre à Kandahar lorsqu’elle y a été invitée. Nancy préfère vivre son deuil et ses souvenirs au Canada et, en ce jour du Souvenir, on lui a rendu l’hommage d’être la mère décorée de la Croix d’argent de la nation de cette année. Elle a déposé une couronne au Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa au nom de toutes les mères ayant perdu un fils ou une fille militaire qui a servi le pays. 

Nancy se souvient de l’appel lui annonçant sa nomination comme mère décorée de la Croix d’argent. 

« J’ai été sidérée — stupéfaite — d’avoir été, parmi tant d’autres personnes, retenue pour représenter le pays, » confie-t-elle. « C’est un honneur [qui me rend] très humble. Un honneur doux-amer mais, assurément, immense. » 

Chaque année, la mère décorée de la Croix d’argent est choisie par la Légion royale canadienne et appelée à participer à des fonctions en hommage aux personnes tombées au combat de tous les conflits pour le reste de l’année.
 

La nouvelle dévastatrice

Le 22 avril 2006, Nancy était seule à la maison à Ennismore (Ontario), lorsqu’elle a reçu l’appel du supérieur de Randy à Wainwright (Alberta). Randy y avait été stationné avant son déploiement en Afghanistan. 

« Il était trois heures du matin, » se souvient-elle. « Le téléphone a sonné. J’étais profondément endormie, et il m’a fallu un moment pour réaliser [que c’était le téléphone]. C’était le supérieur de Randy, à Wainwright. Il a dit : “J’ai des informations à vous donner sur votre fils Randy en Afghanistan.” Immédiatement, j’ai su qu’il était arrivé quelque chose J’ai pensé à un accident, sans jamais imaginer ce qui s’était réellement produit. Il n’a pas été agréable d’être seule pour recevoir cette nouvelle. » 

Elle a appelé sa sœur, qui est venue la consoler, car son mari se trouvait justement à Wainwright, en visite chez l’épouse de Randy, Jody, et leurs jeunes enfants, Jasmine et Tristan, respectivement âgés de sept et cinq ans. Jody et David avaient aussi reçu un appel au milieu de la nuit et avaient prévu de prévenir Nancy le matin même. Nancy, David et Jody sont très proches — Jody appelle [ses beaux-parents] « maman » et « papa ». Dans un moment aussi tragique, Nancy se dit reconnaissante que David ait été là lorsque Jody a reçu la terrible nouvelle. 

« S’il fallait que quelqu’un soit avec elle à ce moment-là, c’était David », précise-t-elle. 

Aujourd’hui, Nancy et David vivent à Lansdowne (Ontario), et Jody habite tout près, à Mallorytown. Les enfants de Randy et Jody sont désormais dans la vingtaine. Tristan est sapeur de combat dans les Forces armées canadiennes (FAC) à Petawawa, tandis que Jasmine est préposée aux services de soutien personnel à Brockville. Jasmine a un fils, Tommy. 

« Tommy a un an et demi, » dit Nancy. « Il lui arrive d’avoir des expressions sur son visage, comme une petite moue. Il nous rappelle beaucoup Randy. C’est merveilleux. » 

L’autre fils de Nancy et David, Chris, a également servi dans l’armée pendant 19 ans. Il vit maintenant à Ottawa avec sa famille. Il a assisté aux cérémonies du jour du Souvenir à Ottawa avec Nancy et David, alors que Jody avait prévu d’assister à une cérémonie près de chez elle.
 

Se souvenir de Randy

« Randy été tout un numéro. Il était beau, c’était un charmeur, » mentionne sa mère.  « Il était très sportif et a bien réussi à l’école. Il n’a pas eu besoin d’étudier. Il a été très actif dans [le domaine du] hockey et a été capitaine de l’équipe junior B de Gananoque pendant deux ou trois ans. Il disait qu’il jouerait au hockey tant qu’il pourrait marcher ou patiner. Plus jeune, il jouait deux, voire trois matchs le samedi, si une équipe avait besoin d’un joueur. À Gananoque, tout le monde le connaissait. Il a été très populaire. » 

Avant de se joindre aux FAC à titre de policier militaire, Randy a étudié la sécurité militaire au Collège Algonquin. 

 « L’armée était son élément », souligne Nancy, ajoutant que des membres de sa famille et de celle de David ont servi. David a servi pendant 30 ans, avec des affectations à Londres, à Petawawa, à Kingston et en Allemagne. Et, pendant son service, leur autre fils Chris a également été en mission en Afghanistan, au grand effroi de Nancy, puisqu’elle avait déjà perdu un de ses deux fils. 

Randy a été un père et un mari dévoué. Nancy remet un prix pour réussite sportive et scolaire en sa mémoire dans son ancienne école secondaire. Le pont Caporal Randy Payne à Gananoque commémore également son nom. 

Nancy est heureuse qu’on se souvienne ainsi de son fils. 

« N’oubliez jamais ce qu’ils ont fait pour nous », déclare-t-elle à propos de tous les soldats canadiens tombés. « Ils ont donné leur vie, nous ne pouvons pas oublier cela… c’est grâce à eux que nous avons ce que nous avons. »